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Politique
LE MONSIEUR AVAIT RAISON!
Lettre envoyée aux médias
Ah, comme Monsieur avait raison!
Francine Allard, écrivain
Référendum 1995. J’étais présidente du Bureau de révision des listes électorales ouvert durant 10 jours à la salle des Anciens Combattants à Deux-Montagnes. Avec moi, un homme à la retraite et une dame anglophone, tous deux libéraux; et un jeune homme, comme moi, nommé par le Parti Québécois. Première tâche qui m’incombait : faire décrocher le portrait de la reine d’Angleterre qui prenait la moitié du mur de la salle où nous siégions. Deuxième tâche : retirer tous les tracts épinglés sur le tableau d’affichage des Anciens Combattants qui suppliaient tous leurs membres - au nom de leur cher pays qui les avaient envoyés à la guerre- de ne pas voter OUI, (ce tableau étant visible près des jeux de fléchettes).
Durant dix jours, ont défilé devant nous les personnes dont le nom avait une mauvaise orthographe, dont l’adresse était erronée, et surtout qui n’avaient pas été inscrites.
Devant nous, à notre grande stupeur à tous les quatre, des douzaines et des douzaines de têtes enturbannées, des yeux en amande et des bronzés sympathiques, ne parlant ni le français, ni l’anglais. Accompagnés de leur interprète, la plupart du temps leur fils ou leur fille, émigrés avant eux. Ils extirpaient de leur beau porte-feuille de cuir neuf leur carte de citoyen canadien, mais beaucoup d’entre eux n’avaient pas de carte d’assurance-maladie, comme autre preuve de leur droit de voter. Certains, mêlés dans leurs papiers, croyaient venir voter illico. On entendait leur interprète leur demander un peu de discrétion, tu ne votes pas NON aujourd’hui, papa. Ici, c’est pour l’inscription (qu’ils nous traduisaient ensuite avec candeur).
Il faut bien connaître le comté de Deux-Montagnes. Souverainiste comme pas un. Une minorité visible plutôt… invisible. Pas de communautés culturelles agglomérées en petites taches de couleur sur nos rues fraîchement bâties, pas de familles turques ou sikhes déambulant avec fierté avec leurs trâlée enfants. Deux-Montagnes, autrefois plus anglophone qu’elle ne l’est aujourd’hui, n’est justement pas une terre d’immigrants comme on en voit à Boisbriand ou à Brossard.
Ce fut une surprise totale que vivaient deux libéraux et deux péquistes devant la file inopinée d’immigrants reçus qui, à notre demande, répondaient qu’ils étaient arrivés depuis trois semaines, un mois, deux mois au plus. Abasourdis, nous étions tous, .peu importe notre allégeance. Que s’est-il donc passé au ministère canadien de l’Immigration?
Je n’ai pas été du tout choquée par les propos de Jacques Parizeau le soir du référendum.
Le vote immigrant avait, oui ça je puis en témoigner, fait pencher la balance dans le camp du non. Bien sûr, il y a eu le vote ethnique comme il y a eu le vote pur laine qui nous a fait rater notre rendez-vous avec la liberté. Mais on n’avait pas le droit de tout mettre sur le dos de Parizeau. De le déflamboxer radicalement. De le mettre de côté alors qu’il avait dit la pure vérité. Si un comté comme Deux-Montagnes a reçu tous ces immigrants, en résidence temporaire chez leurs enfants pour la plupart, ne parlant aucune des deux langues officielles, imaginons un peu ce qui a pu se passer dans les autres comtés plus urbains que privilégient les communautés culturelles!
Et pour terminer, la proposition de Robert Laplante, présentée et expliquée par Jacques Parizeau ces derniers jours, a toujours été discutée dans les congrès régionaux auxquels j’ai assisté : on vote pour le Parti Québécois parce qu’on accepte sa mission première qui est la souveraineté, comme on a voté pour le parti libéral, en acceptant de stagner encore quelques années. Il est temps que les Québécois soient enfin conséquents avec eux-mêmes : voter pour le PQ et ensuite voter NON au référendum qui a suivi n’est pas la premier paradoxe de notre peuple. Mais un peu de rationalité de ce grand politicien philosophe qu’est Jacques Parizeau ne peut que nous faire du bien si on accepte bien sûr d’entendre ce qu’il a à dire.
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Allard.
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