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La famille
GRANDS-MAMANS AU SECOURS DES ENFANTS BLESSéS
Ma marotte? Le désespoir des enfants que j’ai observé avec une immense tristesse dans les écoles, moi, les visitant pour leur parler, ô naïve, de ma littérature pour la jeunesse. Leur parler de lecture, alors qu’ils ont seulement besoin de parents, besoin de tendresse, besoin que l’on cesse de les utiliser comme monnaie d’échange, besoin qu’on leur fiche la paix avec nos drames conjugaux, juste besoin d’un peu d’amour et de discipline, leur parler de livres donc, est un immense paradoxe.
En mars, un des lecteurs assidus de mon site Internet a fait parvenir aux médias un de mes textes assommoirs (D’horribles capricieuses, 09 mars 2004), qui, bâti comme un slogan, bing-bang, ne présentait pas assez d’éléments pour convaincre qui que ce soit de son bon sens. J’y disais que NOUS, les femmes, avons cessé de croire à la valorisation que procure la maternité, qu’ainsi, les enfants ont été remisés sur la voie d’accotement, et qu’à cause de cette sorte de démission, les enfants ne reçoivent pas l’amour et l’encadrement nécessaires à leur équilibre. Bon, je n’ai pas dit tout ça mais c’est ce que j’ai voulu dire. Et, je n’aurais jamais envoyé moi-même ce texte à La Presse et au Devoir. Ça fait deux fois qu’un bon Samaritain ne se mêle pas de ses affaires. Voilà les affres de l’Internet.
Ceci dit, La Presse a présenté un article sur les enfants gardés par leurs grands-parents. Les petits-enfants seraient plus heureux, leurs parents auraient un meilleur rendement au travail, et la qualité de leur présence auprès de leurs mousses serait d’autant plus efficace.
J’ai noté. J’ai noté parce que depuis le 26 juillet, je garde ma petite-fille Béatrice, sa maman étant retournée travailler. Pas de papa à l’horizon. Rien qu’une maman devant aller gagner sa vie et une petite bobinette de 13 mois. Et un couple de babyboomers qui, mis à part tous ses défauts décriés par la génération X, a encore le sens du devoir. Mon mari et moi aurons 55 ans. Grands-parents pour la première fois, après avoir élevé 3 enfants nous-mêmes, nous prenons soin de Béatrice. Dès 6h15 tous les matins. Et vous savez quoi? Nous découvrons avec notre petite-fille, nous décortiquons un à un les merveilleux changements qui s’opèrent en elle, nous écoutons les Télétubbies et Caillou qui la ravissent. Vous savez quoi encore? Les Télétubbies sont de merveilleux personnages pour les bébés. Et Caillou (moi qui ai tant chialé en tant qu’écrivaine pour les enfants au sujet des conflits entre l’éditrice et la créatrice des dessins de ce petit bonhomme) éveille notre petite bobinette aux couleurs, à la musique, à une famille normalement constituée.
J’aimerais que les jeunes parents d’aujourd’hui se rappellent combien ils ont été aimés, écoutés, entourés. Pour qu’ils sachent aussi l’immense bonheur d’élever un enfant et de revisiter leur livre d’images personnelles. Pour qu’ils arrêtent de croire que de rester à la maison avec un enfant est passé de mode. Que les garderies sont payées pour ÇA. Qu’on a l’air nounoune si on décide d’élever soi-même ses enfants.
Voilà. Moi, monsieur, je découvre à quel point on peut aimer une petite bobinette si on se laisse émouvoir. Je pousse-le-bébé dans la balançoire et nous observons les colibris se rendre à l’abreuvoir et les chatons se chamailler devant le perron. À 13 mois, Béatrice sait imiter déjà le bruit de 12 animaux; elle reste de longs quarts d’heure à se laisser raconter une histoire. Et je lui tiens la main pour aller faire des promenades. Puis on fait notre dodo d’après-midi après avoir fait «une poule qui picotait du pain dur, picoti, picota» en riant le visage dans l’oreiller de grand-papa. On mange notre collation assises sur un banc avec le chien, en lui cédant quelques bouts de biscuit. Béatrice chante, elle répète tout ce qu’on dit, elle rigole tout le temps. Puis, vers 18 heures, on attend maman, dans des habits tout propres, en surveillant parmi les voitures, la vieille Sundance turquoise qui ronfle sur la petite route graveleuse. Vous croyez que je perds mon temps?
Vous trouvez que j’avais autre chose à faire de plus important? Que j’en ai eu assez d’élever mes trois enfants? C’est ce que j’entends autour de moi, en tout cas.
J’ai ralenti l’écriture. Je ne pourrai pas aller visiter autant d’écoles cette année. Mais je rafraîchis mes idées de romans futurs. Je suis en train de me convaincre que d’aimer, d’accompagner, de chérir une petite fille de 13 mois est aussi un des boulots les plus valorisants qui soient. Et je songe à toutes les grands-mamans qui comme moi, ont la chance de garder leur petite-fille ou leur petit-fils. Pour qu’elles sachent qu’elles sont le phare dans la vie de leurs chers amours. Qu’elles font pour cette société un travail prépondérant. Et qu’elles ne sont pas seules au monde.
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Allard.
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