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  Société

LA PRISON DES AUTRES

Nizar Nayouf , un journaliste syrien (La voix de la démocratie) a été libéré de sa prison syrienne le 6 mai 2001. Il raconte que chaque jour, dans sa cellule d’isolement, quelqu’un venait le torturer. Il est désormais paralysé et est atteint de cancer. Il en est sorti vivant grâce à un certain état d’inconscience dans lequel il s’est enfermé. Et aussi grâce à l’écriture et aux lettres qu’il arrivait à envoyer clandestinement à ses proches. M. Nayouf a été emprisonné parce qu’il a résisté à la tyrannie du régime syrien. Parce qu’il a cru en la liberté d’expression et qu’il s’est battu pour elle. Nizar Nayouf a été torturé pour rien. Il n’a fait de mal à personne. Et les geôliers de Syrie n’ont rien à voir avec les petits surveillants de dortoirs de nos prisons québécoises.

Marie Gagnon est une bien jolie fille sous l’emprise de la drogue qui a été envoyée en prison pour femmes à Joliette parce qu’elle est incapable de s’empêcher de voler… des livres. Oh! la pauvre. Une autre, plus laide, aurait volé des cannes de Paris-pâté, elle ne recevrait pas autant de sympathie. Marie Gagnon se dit écrivaine et elle réagissait dans La Presse du 2 mai dernier, au fait qu’on ne veut pas la laisser vivre son isolement. Elle dit que la prison de Joliette est trop belle, trop gentille, trop interventionniste pour elle. Toute une horde de psy tentent de la mener sur le chemin de la réhabilitation et Madâme ne veut pas. Personne ne la torture, personne ne lui fait manger du pain noir et de l’eau; personne ne menace sa famille. Au Québec, on aime TROP Marie Gagnon. Fichons-lui la paix! Ah, j’oubliais, peut-être bien aussi que les geôlières lui manquent de respect. Au Québec, les voleuses et les droguées veulent qu’on les respecte, qu’on respecte aussi leurs valeurs. De plus, Marie Gagnon n’a pas eu besoin, comme le journaliste Nayouf d’envoyer ses petits bouts d’écriture de manière clandestine en dehors des murs de sa prison, non. Mme Gagnon a accordé une entrevue d’une page en 2000 à Nathalie Petrowski. Et un trois-quart de page dans La Presse du 2 mai 2002. Une page presque complète pour dénoncer la plus belle prison du Québec. Pour se plaindre qu’elle est «chouchoutée comme une enfant malade» écrit-elle. Mais selon moi, Marie Gagnon est très précisément une enfant malade qui refuse sa propre réinsertion dans la société qu’elle blâme. Nous aurons de plus en plus de ces enfants du XX1ème siècle qui blâmeront la justice de les condamner parce qu’ils hurleront qu’ils ont le droit de voler, de se droguer et d’écoeurer le peuple. Parce que ce pays n’offre que des droits. Et aucune obligation.

Je suis sûre qu’il y aura toute une partie de la société québécoise qui voudra faire sortir Marie Gagnon de sa prison. Il y en aura des milliers pour acheter son livre : Lettres de prison. Que pouvons-nous bien faire dans une société où Mom Boucher est la personnalité la plus respectée au pays? Plus même que le premier ministre du Canada!


Ce texte est protégé par les droits d'auteur et n'engage que l'opinion de Francine Allard.
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