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Éducation
LES PARENTS DéCROCHEURS
Les décrocheurs, ce sont les parents. Ce ne sont pas les élèves, ils n’auraient aucune raison. Parce qu’ils sont traités comme de petits princes et de petites princesses. Un pet de travers et voilà tout l’armada pédagogique qui s’amène : psychologues, orthopédagoques, accompagnateurs, orthophonistes, travailleurs sociaux. Ils sont tous là pour aimer les élèves qui souffrent.
Ce sont les parents qui ont décroché. Ils ont décidé que l’éducation n’était pas leur affaire. Ils sont tellement occupés à travailler, à s’épanouir en dehors de la maison familiale, à exprimer leurs compétences durement acquises par de longues études, à vivre quoi, qu’ils considèrent que ce sont les écoles qui doivent s’occuper des enfants. Un point, c’est toute!
Pourquoi pensez-vous que les enseignants s’évertuent à trouver des moyens de pression efficaces? Parce que l’élève n’a pas les cahiers et les crayons que requiert son rôle d’élève, qu’il n’a pas ses espadrilles pour l’éducation physique, parce qu’il frappe ses camarades, parce qu’il se moque de son enseignant. Les enseignants ne s’énervent pas trop avec la réussite scolaire puisque les élèves ne doublent plus. Ils s’énervent parce que leurs élèves sont victimes de violence. Parce que leurs élèves ne les respectent pas. Parce que leurs élèves sont devenus leurs maîtres. Voilà pourquoi les enseignants en ont marre.
Pourquoi pensez-vous que les chauffeurs d’autobus font la grève? Pour les mêmes raisons énumérées ci-haut. Si les enfants étaient tous bien élevés, ils n’auraient même pas pensé de demander un salaire plus… élevé.
Pourquoi les loyers sont de plus en plus dispendieux dans les centres commerciaux? Je vous le donne en mille. À cause de l’embauche de plus de gardiens de sécurité. Parce que les marchands sont de plus en plus victimes de jeunes voleurs qui, au lieu d’être à la maison avec leurs parents, vont passer le temps «au centre d’achats» et vivent de vol à l’étalage. Pourquoi les jeunes errent-ils comme ça dans des centres commerciaux? Parce que leurs parents ont décroché. Parce qu’ils ne sont pas là pour s’occuper de leurs mioches.
Pourquoi le timbre est-il rendu à 0,48$? Ça, c’est une autre histoire.
- Celle-ci est délicieusement attrayante, docteur!
- Ce n’est pas malin, mon brave, vous m’avez mis en courroux! En fait, je suis très courroucé!
- Je ne veux pas aller sur Mars, vous ai-je dit, docteur!
- Génial! Aidez-moi donc à m’extirper de cette soucoupe et faisons demi-tour et cap sur la Terre!
- Eh, docteur! Vous ne connaissez pas quelqu’un qui voudrait acheter une soucoupe volante ample, confortable, élégante? Elle n’a que 100 kilomètres au compteur! Une superbe occasion.
Ce dialogue est tiré d’un roman français? Pas une miette. Il s’agit d’un dialogue de Bugs Bunny (what’s up, doc?) que j’ai entendu vendredi dernier à 13h30 à la télévision. Des mots de vocabulaire assez étoffés. Des propos plus difficiles à comprendre que Virginie. Des situations particulières qui se situent loin de certains téléromans ratatineurs à la télévision nationale.
Les enfants québécois qui regardent les dessins animés à la télévision sont plus souvent qu’autrement exposés à une langue très érudite, à des mots inconnus qu’ils arrivent à comprendre dans leur contexte, à des idéologies avec lesquelles ils ne sont guère familiers. Et ce, dès qu’ils ont l’âge de regarder les «petits bonshommess». Je me souviens des jeux de mots très robustes des émissions de l’Oncle Picsou ou des aventures de Timon et Pumba; je savoure encore les merveilleux dialogues de La Princesse astronaute et de Tohu-Bohu. Tout ça pour dire que les enfants ont un bagage de mots incalculables dont le Ministère de l’Éducation est loin d’imaginer l’importance. Alors, on nivelle par le bas. On pense que les enfants sont de petits morons. On s’organise pour que les notions pédagogiques soient à la portée de tous les petits counes et ont oublie ceux qui ont écouté la télévision. Alors, nos petits bolés débarquent du système. Ils décrochent parce qu’à l’école, c’est full plate!
Harry Potter a eu sur moi une influence notable à cause de cette confiance innocente qu’a Johanne K. Rowling envers les enfants. Elle n’a pas peur de leur parler comme à des adultes intelligents. Elle ne craint aucunement de leur parler de choses horribles comme la mort et la trahison puisqu’ils y sont confrontés tous les jours de toute façon. J’ai redressé la tête et j’ai imaginé que notre littérature pour la jeunesse allait finir par arrêter de prendre nos enfants pour de petits niaiseux et leur offrir du vocabulaire, et leur parler comme à des êtres intelligents.
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Allard.
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